Mon panache est plus gros que le tien! [métaphore sur le thème de la lutte du pouvoir]

mooseDans un pré magnifique où le soleil se reflète dans les gouttes de rosée matinale et où l’herbe est la plus verte que l’on puisse imaginer broutait une femelle orignale d’une élégance envoûtante.

Son port de tête royal imposait le respect tandis que ses longs cils noirs papillotaient doucement pendant qu’elle se délectait des centaines de petites feuilles délicieuses offertes par Dame Nature.

Elle était solide, forte et émanait d’elle une énergie vitale fertile.

Deux mâles orignaux, en plein dans la force de leur panache, passèrent par-là, l’un venant du sud, l’autre faisant son entrée à l’est. Simultanément leur regard se porta sur la belle qui était juste là.

Les deux mâles se prirent à rêver éveillés de la belle trottinant à leur côté, un petit veau, fier héritier, gambadant à leur suite. Or, la belle orignale était farouche et ne se laissait pas approcher facilement. Aussi, ses exigences en matière de mâlitude étaient élevées, seul le plus fort l’emporterait.

Les deux prétendants au sud et à l’est se regardèrent droit dans les yeux, gonflés d’hormones et d’instincts. L’heure était grave. Soudain, la belle, d’un hochement de tête désinvolte, envoya le signal : le combat était commencé.

Dans un immense fracas, deux panaches s’entrechoquèrent. Les combattants reculèrent pour mieux s’élancer. Une fois de plus : coup de tonnerre dans la boîte crânienne, secousse sismique dans tous les os du corps. Puis, à nouveau, un ultime élan, portant la force de la dernière chance, les orignaux s’entrechoquèrent la devanture, les bois de l’un encastrés dans les bois de l’autre et… ils restèrent coincés.

On pouvait entendre leur respiration sifflante qui faisait des nuages de vapeur chaude dans la fraîcheur de l’automne. Les yeux écarquillés ils étaient maintenant forcés de se regarder en face, de près, de trop près. En parfaite symétrie, dans les tons de brun sur brun, on aurait dit les deux côtés d’un miroir qui se rencontraient.

La tension était palpable, ça sentait le désespoir. La femelle, pendant ce temps, s’en était allée, peu impressionnée par ce déploiement de phéromones peu élégant.

Si tu ne peux vaincre ton ennemi, joins-toi à lui, disait un fin stratège. La seule façon de se sortir de ce pétrin était de faire front commun au sens propre comme au sens figuré. En effet, aussi étrange que cela puisse paraître, pour se séparer l’un de l’emprise de l’autre, ils allaient devoir se rapprocher encore plus. Délicatement, en parfaite synchro, ils s’avancèrent l’un vers l’autre. Face contre face, nez à nez. La tension se relâcha et ils purent, en pivotant la tête se libérer enfin.

Ça s’est passé il y a longtemps dans une forêt bien garnie, sur les terres où vivaient mes ancêtres. Encore aujourd’hui, on raconte que c’est suite à cet événement que, exceptionnellement, deux mâles dominants unirent leurs forces pour former une alliance unique. L’un ne pouvant l’emporter sur l’autre, ils firent front commun et , ensemble, gagnèrent le coeur des plus belles femelles et conquirent le plus vaste territoire qu’on ait vu de mémoire d’orignal.